Circles of Support and Accountability (CoSA) to prevent sexual offender recidivism: A comparison of their development in France and Canada
ORIGINAL ARTICLE
Ingrid Bertsch,1,2 Florent Cochez,3 Heather M. Moulden,4,5 Sébastien S. Prat,4,5 Hélène Lambert,2 Géraldine Lassagne,2 Céline Lamballais,1 Lucie Defache,6 Maud Pelletier,6 Robert Courtois,1,2
1 CHRU de Tours, Centre de Ressources pour les Intervenants auprès des Auteurs de Violences Sexuelles – CRIAVS Centre-Val de Loire, Tours France; 2 Université de Tours, Département de psychologie, EE 1901 ‘Qualité de vie et santé psychologique’ (QualiPsy), Tours France; 3 CH Charles Perrens, ERIOS – CRIAVS Aquitaine, Bordeaux, France; 4 McMaster University, Department of Psychiatry and Behavioural Neurosciences, Hamilton, Canada; 5 St. Joseph’s Healthcare Hamilton, Forensic Psychiatry Program, Hamilton Canada; 6 Service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP) du Loiret, Orléans, France
Cite: Bertsch, I., Cochez, F., Moulden, H. M., Prat, S. S., Lambert, H., Lassagne, G., Lamballais, C., Defache, L., Pelletier, M., & Courtois, R. (2019). Comparaison franco-canadienne du développement des Cercles de soutien et de responsabilité (CSR) pour la prévention du risque de récidive des délinquants sexuels. International Journal of Risk and Recovery, 2(2), 28–35. https://doi.org/10.15173/ijrr.v2i2.3901
Les Cercles de Soutien et de Responsabilité (CSR), nés il y a 24 ans à Hamilton au Canada pour répondre à l’inquiétude du public provoquée par le retour des délinquants sexuels dans la société après leur libération, se développent partout dans le monde. Ils proposent l’accompagnement de l’agresseur dans sa réinsertion sociale. Efficaces dans les pays étrangers, ces dispositifs se développent lentement en France. L’objectif de cet article est de tenter d’expliquer les freins à l’implantation des CSR en France au regard des difficultés rencontrées lors des expériences françaises passées et actuelles, mais aussi des différences interculturelles entre la France et le Canada.
There is growing interest worldwide in Circles of Support and Accountability (CoSA), which were created 24 years ago in Hamilton (Canada) in response to public concern about the reintegration of sex offenders into society after their release from incarceration. These circles support the ex-offender in the social rehabilitation process. They already exist in a number of countries, but their introduction in France is slow. The aim of this article is to explain the barriers to setting up CoSAs in France, taking into account the difficulties encountered in previous and current French experiences, and in relation to cultural differences between France and Canada.
Mots-clés : cercles de soutien et de responsabilité, agresseurs sexuels, récidive, désistance, prévention
Keywords: circle of support and accountability, sexual offenders, relapse, desistance, prevention
Les Cercles de soutien et de responsabilité (CSR) au Canada
Historique des CSR : il y a 24 ans à Hamilton…
Le premier CSR est né en 1994 à Hamilton (Canada) à partir de la nécessité d’apporter un accompagnement approprié à un auteur d’infractions à caractère sexuel (AICS), Charlie Taylor, ayant passé la majorité de sa vie en prison pour avoir agressé sexuellement plus d’une vingtaine d’enfants et dont la sortie prochaine inquiète la population et les professionnels qui le prenaient en charge. Le score à l’outil d’évaluation Sex Offender Risk Appraisal Guide (SORAG) avait fourni un risque de récidive violente ou sexuelle de 100% dans un délai de sept ans. C’est le révérend Harry Nigh sollicité par le psychologue Bill Palmer qui a proposé d’accompagner Charlie Taylor à la sortie de son incarcération avec les membres de la communauté Mennonite. Ce groupe est à la base d’un cercle de support (« Charlie’s Angels group ») qui a permis la réintégration du sujet dans la communauté sans nouveau passage à l’acte jusqu’à la fin de sa vie, onze ans et six mois plus tard. C’est la naissance du premier Cercle de soutien et de responsabilité tel qu’on les connait aujourd’hui. Charlie Taylor est resté en contact avec ses « amis », les bénévoles du cercle, jusqu’à la fin de sa vie (e.g., 1,2).
Depuis cette première expérience les CSR se sont développés dans le monde entier. Ils associent un cercle interne composé du membre principal/AICS socialement isolé à haut risque de récidive, trois/quatre bénévoles issus de la communauté, un coordonnateur qui chapote le projet et d’un cercle externe composé de professionnels de divers champs intervenants à la demande du cercle interne. En 2011, le Canada comptait 18 sites où 200 CSR étaient en cours d’exécution (https://cosa-ottawa.ca/).
Efficacité des CSR
Les objectifs des CSR répondent à deux axes forts du programme canadien les concernant : (a) « plus jamais de victimes » (c’est-à-dire la réduction du nombre de victimes à travers la diminution de la récidive des auteurs) et (b) « tout le monde compte » (c’est-à-dire des préoccupations communautaires qui visent à permettre aux AICS un accès à une vie plus équilibrée et une réinsertion sociale).
L’efficacité des CSR n’est plus à démontrer. Ils permettent :
- Une diminution significative de la récidive sexuelle (3-5) ;
- Une diminution significative de la récidive violente (5, 6) ;
- Une diminution significative de la récidive générale (3, 5, 7) ;
- Une diminution du caractère invasif et de la gravité des récidives lorsqu’elles ont lieu (4, 5).
Cette efficacité se fait par la réinsertion des AICS ayant participé à un CSR (ils sont alors appelés membres principaux) et le fait que cela favorise l’entrée dans un processus de désistance avec une augmentation de facteurs de protection (8).
Les bénévoles du CSR perçoivent une augmentation du sens de responsabilité des AICS/membre principaux et ces derniers perçoivent un soutien, des relations humaines différentes et positives qui permettent de contrecarrer l’aliénation et l’isolement qui peuvent favoriser un passage à l’acte délictuel. Pour illustration, l’un d’eux disait: “They’re ordinary things, but extremely precious because that’s somebody that’s not giving up their time because they have to; they’re giving up their time because they want to. That’s incredible for them to actually sort of say, “I wanna spend time with you”1 (9). [1 « Ce sont des choses ordinaires, mais extrêmement précieuses, parce que voici des gens qui ne donnent pas de leur temps parce qu’ils sont obligés de le faire, mais parce qu’ils le veulent bien. C’est incroyable pour eux de dire en quelque sorte : ‘Je veux passer du temps avec vous’ » (traduction)] Plusieurs membres principaux ont témoigné d’une probable récidive s’ils n’avaient pas pu bénéficier de ce dispositif (4).
Les CSR permettent également aux AICS qui en bénéficient d’avoir un meilleur feedback sur les agressions passées du fait de l’amélioration des capacités d’ajustement, du développement d’un insight relatif aux mécanismes qui sous- tendent le passage à l’acte et au total, d’une meilleure gestion de potentielles situations à risque (développement d’un plan de prévention de la rechute et de techniques de diversions) (10). On relève globalement une évolution qualitative et quantitative des capacités cognitives, émotionnelles et psychologiques des membres principaux avec une augmentation des capacités de réflexion, de résolution de problèmes, de meilleures compétences sociales, un meilleur contrôle de soi, une plus grande ouverture d’esprit, une meilleure régulation des émotions, un accroissement du locus de contrôle interne, ainsi qu’une tendance positive au développement d’une bonne estime de soi et des capacités d’adaptation (11).
Si on s’intéresse aux bénéfices pour les bénévoles, on peut déjà souligner que d’une manière générale, le bénévolat a un effet positif sur la santé mentale et psychique ; les bénévoles sont moins déprimés, plus heureux, et plus satisfait de leur vie. Le bénévolat est généralement une expérience stimulante induisant un développement personnel au moyen d’une meilleure estime de soi et d’attitudes prosociales (12). En ce qui concerne le bénévolat spécifique au contexte des CSR, nous retrouvons également des effets bénéfiques (4, 12). Les bénévoles des CSR développent des capacités civiques, et améliorent leur capital social (par exemple, certains nouent une amitié avec les autres bénévoles ou les professionnels). Les CSR permettent aussi des bénéfices socio-économiques et professionnels dans le sens où ils améliorent les compétences sociales et professionnelles à travers les formations proposées (12). D’une manière générale, les bénévoles se sentent plus en sécurité au sein de la communauté. Leur croyance en la motivation des AICS à se réinsérer est plus élevée (4). Ces bénéfices sont d’autant plus marquants pour les bénévoles lorsqu’ils présentent des facteurs de protection comme une implication comprise entre une et deux heures de temps consacrées par semaine, un âge plus élevé, le développement d’une intelligence émotionnelle, une bonne estime de soi, une autonomie suffisante, un soutien des proches, un soutien entre les bénévoles ainsi qu’une bonne entente entre eux et les professionnels du CSR, une motivation associée à une certaine lucidité quant aux effets des interventions sur les comportements de l’AICS et le fait ne pas se sentir responsable des issues du CSR (12).
Du point de vue de la communauté, la possibilité d’une meilleure insertion des AICS dans la société participe activement à leur processus de désistance. Ce sont le plus souvent des personnes isolées sur le plan social, en difficulté dans les interactions sociales. Leurs faibles habiletés psychosociales sont à mettre en perspective avec l’existence de troubles anxieux, des troubles de l’attachement précoce ou des troubles de la personnalité. Le regard négatif des membres de la communauté sur eux entraine une détérioration de leur image de soi et peuvent les amener à se conformer à cette image de monstre (de « malade », de « prédateur sexuel ») qui leur est attribuée (13). Quand on les déprécie, les AICS peuvent faire de même en se réduisant à des êtres dangereux, non légitimes à réintégrer la société, et incapables de changer leur comportement (14). Les CSR permettent le rétablissement d’un lien humain, la naissance et/ou le renforcement d’une image de soi positive et entraine de fait une diminution des passages à l’acte amenant une meilleure protection des membres de la communauté (15). Les CSR participent à changer le regard que la communauté porte sur les AICS. Le fait que les AICS à haut risque de récidive soient impliqués dans un CSR renforce aussi le sentiment de sécurité des membres de la communauté (4).
L’intérêt économique de l’implantation des CSR
Les CSR n’ont pas seulement un impact positif sur les AICS pris en charge, les bénévoles ou plus globalement, la communauté, mais représentent aussi des avantages en matière économique si on prend en compte que la prévention de la récidive permet d’économiser des dépenses pour couvrir les frais de la justice, la réparation des dommages pour les victimes et le coût global pour la société. Elliott et Beech (16) comparent les bénéfices des CSR et les coûts de la récidive au Royaume-Uni. Les résultats témoignent un bénéfice net de 23 494£ par an pour 100 sujets. L’étude réalisée aux USA par Duwe (7) observe une économie estimée de 11 716 US$ par participant, soit une économie de 1,82 US$ pour chaque dollar investi. Les CSR font partie des programmes pour AICS les plus économiques.
Les CSR font l’objet d’un financement public au Canada. La « CoSA Canada » (Canadian national organization for Circles of Support and Accountability) qui est l’organisation nationale qui gère les CSR et reçoit des fonds de l’organisme de sécurité publique canadienne (Public Safety Canada) via le National Crime Prevention Strategy (NCPS) pour lutter contre la délinquance sexuelle. La CoSA Canada prend en charge le salaire du coordonnateur, la formation des bénévoles, les moyens matériels nécessaires au fonctionnement du CSR, son évaluation, la communication de ses actions, etc. C’est parce que les CSR représentent un moyen efficace de lutte contre les violences sexuelles qu’ils reçoivent un financement, au même titre que d’autres programmes de prévention ou réduction des risques criminels.
Développement des CSR en France ?
Des expériences françaises ?
Le développement de la justice restaurative (JR) en France est favorable à celui des CSR. Ainsi par exemple l’Institut Français pour la Justice Restaurative (IFJR) qui a été créé en 2013 suite à l’organisation de la Conférence de consensus sur la prévention de la récidive et installée par la Ministre de la Justice, affirme que « les membres [de la communauté] doivent pouvoir participer à la réduction des facteurs de risque (ceux qui favorisent les comportements criminels) et, surtout, au renforcement des facteurs de protection (ceux qui évitent d’entrer dans la criminalité et encouragent le respect des lois et d’autrui), tels les mécanismes de solidarité et de soutien entre les personnes ».
Des rapports officiels préconisent l’utilisation de la JR : l’ONU en 2008, le Conseil de l’Europe en 2012 (directive 2012/29/UE) (17,18), guide traduit en français, la Conférence de Consensus en 2013 (rapport sur la prévention de la récidive en France). Des lois, permettent et organisent l’application juridique de la JR : citons la loi 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales (19) et la circulaire du 15 mars 2017 relative à la mise en place de la justice restaurative (20). Des actions de recherche proposent des recommandations pour la mise en œuvre de la JR : formulation d’une enquête de faisabilité par le Centre ERIOS (Aquitaine), amenant à des pistes de travail pour la réalisation du projet (21) et mise en place d’un programme européen « Daphné III » de financement des initiatives en faveur de la justice restaurative qui a créé le projet « circles4UE » pour implanter les CSR en Europe, comme ce fut le cas en Angleterre et en Belgique.
Malgré un contexte politique et social favorable à la mise en place de mesures de JR, il semble qu’encore peu de CSR n’aient clairement vu le jour en France, mais plusieurs initiatives sont en cours de développement. A notre connaissance, les expériences françaises passées ou actuelles sont toutes investiguées par les Service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP) comme nous le montre les exemples du SPIP d’Evreux (Eure, Normandie), de Dax (Landes, Nouvelle- Aquitaine) et d’Orléans (Loiret, Centre-Val de Loire), pour la plupart en cours d’organisation. Pour l’ensemble de ces expériences, la nécessité d’apporter aux AICS une prise en charge différente est le moteur de la mise en place du CSR, souvent à l’initiative d’une poignée de conseillers pénitentiaire d’insertion et de probation (CPIP). Leur organisation (rapprochement avec un institut de JR, validation hiérarchique du projet, présentation du projet au service et aux partenaires extérieurs potentiels, organisation d’un comité de pilotage, formation des bénévoles, évaluation du membre principal (bénéficiaire) et les leviers favorisants leur création (accueil favorable du projet par les pairs et les partenaires extérieurs et motivation importante des CPIPs fondateurs des projets) sont partagés.
Difficultés dans la mise en place des CSR français
Trois difficultés principales apparaissent : (i) le manque d’expériences françaises passées entraine une absence de « modèle » sur lequel se baser pour mettre en place et s’assurer du bon déroulé du CSR ; (ii) la recherche de formateurs étrangers amène à des difficultés logistiques et des coûts ; (iii) la sélection du membre principal (MP) semble être une tâche difficile.
L’organisation institutionnelle française amène le SPIP à se charger de cette mission. Ceci impose : (i) un financement restreint, pour ne pas dire une absence de financement ; un projet de CSR peut être envisagé sans réel budget supplémentaire et sans fléchage de temps spécifique pour le salarié qui va en assurer la mission de coordination en plus de ses autres fonctions (sans réaménagement préalable de son travail) ; (ii) une charge de travail supplémentaire pour les CPIPs ; (iii) l’accès au CSR à un MP (bénéficiaire) obligatoirement judiciarisé ; (iv) une séparation nécessaire et parfois compliquées des rôles de CPIPs et de coordonnateur ; (v) et un non-accès pour le coordonnateur comme pour l’évaluateur au dossier pénal du MP.
La nature des faits concernés amène à : (i) un recrutement difficile de bénévoles ; (ii) la crainte partagée par le coordonnateur et les bénévoles de la récidive du MP ; (iii) au sentiment pour les bénévoles d’une responsabilité importante au regard des conséquences possibles ; (iv) et enfin, aux craintes des bénévoles principalement focalisées sur l’implication demandée (en termes de temps, de qualité de relation exigée avec le MP ou encore d’éventuelles intrusions dans leur vie privée).
Comparaison France-Canada et enjeux interculturels
Différences quant à l’organisation sociale
L’organisation des actions sociales n’est pas superposable en France et au Canada. La France apparait comme un Etat providence, prenant en charge des secteurs sociaux comme la Sécurité Sociale, l’Education Nationale, les services hospitaliers qui sont davantage investis dans les pays nord-américains par la société civile (historiquement par les communautés religieuses). De fait, cela pourrait engendrer en France une moins grande culture de l’investissement individuel, voire une moins grande nécessité (22).
Alors que pour les pays nord-américains, le mot communauté implique le partage entre individus avec des valeurs, des buts ou des intérêts qui nécessite une identité ou conscience de soi commune, il est plutôt réduit en France à la simple appartenance à un secteur, un voisinage ou une ville. De fait, il existe un plus grand individualisme en France (23). De surcroit, la notion de communautarisme prend un sens péjoratif en France où elle est associée à l’idée d’intégrer un cadre plus ou moins rigide qui prendrait le pas sur l’individu et pourrait constituer une forme de menace sociale pour les autres (24). Dans les pays anglo-saxons, il existe des communautés différentes liées aux immigrations successives alors qu’en France, c’est plutôt le syncrétisme des cultures qui est prôné, devant à la fois permettre une nation unique, laïque, et en même temps, respecter la plus grande liberté individuelle. La place des communautés religieuses est aussi moins importante. De fait, ces différences sociales et conceptions culturelles de la place du sujet dans la société pourraient en grande partie expliquer les difficultés rencontrées dans la mise en place des CSR en France.
Différences quant à la place et l’implication des bénévoles
Il y aurait en France près d’un quart des français qui participeraient à des actions bénévoles formelles (au sein d’une association) et informelles (au sein de services non structurés)4, avec un temps d’engagement moyen hebdomadaire de 2 à 5 heures. Si les motivations de ces bénévoles sont très diverses, on retrouve des tendances en fonction du genre puisque les hommes privilégient la défense des droits, le sport, la culture et les loisirs, alors que les femmes investissent d’avantage des activités éducatives, religieuses ou sociales, caritatives et humanitaires (25). Bien que les femmes soient plus sensibles et plus à même de s’investir dans des CSR que les hommes, elles ont aussi tendance à s’identifier plus facilement aux victimes et peuvent avoir du mal à dépasser les représentations péjoratives que la société attribue aux AICS. Ainsi, le sentiment d’utilité éprouvé par le bénévole qui se joue dans la rencontre avec le bénéficiaire (MP d’un CSR) peut être plus difficile à trouver (il est probable que ce soit également vrai au Canada). Les gratifications du bénévole peuvent provenir de l’investissement et de la reconnaissance du MP concernant son accompagnement. Sans retour favorable à l’égard de son implication, le risque de démotivation et de désengagement est plus important (25), surtout s’ils ne dispose pas suffisamment de qualités pré-requises. L’instauration d’un CSR demande du temps et de la disponibilité aux bénévoles. Ils doivent en premier lieu disposer d’une certaine stabilité émotionnelle et d’une forme de résilience afin d’éviter que des interactions difficiles avec un MP, des menaces de suicide de ce dernier, des attitudes de manipulation ou encore des risques de récidive qui sont autant de facteurs émotionnellement stressants puissent contribuer à leur épuisement général. Enfin, ils doivent aussi composer avec leurs proches qui pourraient avoir du mal à comprendre leur implication d’autant qu’ils ont une obligation à respecter le secret du cercle (12). La place différente des bénévoles en France peut aussi traduire une plus grande revendication et expression de cette individualité. Le bénévolat français, moins gestionnaire que dans les pays nord-américains (26), ne s’adapte peut-être que très mal à une valorisation des actions communautaires comme l’exige l’organisation et de la philosophie des CSR.
Différences quant à la notion d’évaluation et de gestion du risque
En ce qui concerne les AICS qui pourraient en bénéficier, les limites aux projets de CSR sont peut-être à rechercher dans la spécificité et la rareté des bons « candidats » car il est préférable que le MP soit un auteur jeune, ayant déjà été condamné et incarcéré, possédant peu de ressources sociales et un risque élevé de récidive.
L’organisation des services de psychiatrie légale et des services judiciaires en France et au Canada n’est pas la même. Dans la plupart des pays anglo-saxons, l’évaluation psychiatrique et psycho-criminologique du risque de récidive des AICS est systématique en s’appuyant sur des outils standardisés, alors qu’elle demeure rare en France et encore controversée (27,28). Il est dans ces conditions plus difficiles de pouvoir identifier les besoins des sujets AICS et de mettre en place des stratégies de soin les plus adaptées (29,30).
Conclusion
Les AICS sont très mal perçus dans nos sociétés, voire rejetés et les difficultés liées à leur réinsertion après une détention augmentent le risque de survenue d’une nouvelle infraction à caractère sexuel (31,32). Les CSR qui ont fait leurs preuves en termes d’efficacité dans les pays anglo-saxons tardent à être instaurées en France. Cependant, même s’il s’agit avant tout, avec des personnes volontaires, d’augmenter le capital social d’une personne qui a commis des actes délictueux et de favoriser ainsi ses chances de désistance, plusieurs conditions sont nécessaires pour leur bonne réalisation. Il existe des expériences françaises passées et d’autres qui se développent. Elles révèlent toutes des difficultés similaires dans la mise en place ou la poursuite des CSR : un manque d’expériences antérieures (dont on pourrait s’inspirer afin de les améliorer), l’appel à des formateurs étrangers entrainant des coûts et des problèmes d’organisation et une difficulté à sélectionner les membres principaux. Ces dispositifs mettent à l’épreuve les différences interculturelles qu’il s’agisse de l’organisation sociale, de la place et de l’investissement de la société civile dans l’activité bénévole, ou encore de la capacité d’évaluation du risque de récidive dans les pratiques professionnelles françaises. Le développement des lois en France, mais aussi l’arrivée des expériences de CSR et de justice restaurative, offrent un cadre propice à leur développement dans l’avenir et les expériences récentes d’implantation offrent déjà un regard positif sur cette nouvelle manière d’envisager les auteurs, leurs victimes et leur réinsertion.
Conflit d’intérêt: aucun
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Corresponding author
Ingrid Bertsch, CRIAVS Centre-Val de Loire, CHRU de Tours, 37044 Tours cedex 9, France– email: i.bertsch@chu-tours.fr